La Croix : un monde moderne

Le tribunal du web

Publié dans La Croix du 19 février 2020

J’ai du mal à comprendre qu’on fasse encore des vidéos intimes et des photos coquines, quand on entend si souvent parler de revenge porn et/ou de piratage des données de la vie privée.
Encore plus quand on est une personnalité publique, donc extrêmement susceptible d’y être exposé. Là, c’est pas très malin, pour dire les choses gentiment.
Mais qui qu’on soit, il est profondément injuste de ne plus avoir le droit d’être simplement humain et faillible, et de se retrouver éviscéré par un tribunal de juges invisibles, voire anonymes…
On a déjà vu le karma à l’oeuvre.
Remember la Ligue du LoL (trop satisfaits d’eux-même pour être anonymes, ceux-là !), ou les trolls qui ont fini au tribunal après des menaces de viol et de mort sur des femmes journalistes, et d’autres.
Faisez gaffe, les gens.
Evitez les photos à poil, et les jugements hâtifs sur les erreurs des autres.

Numérique vs Techniques Traditionnelles

Tradi vs CG

Bon, c’est vrai que le numérique, c’est moins facile à feuilleter.

J’entends des gens qui s’étranglent à l’idée que j’ai jeté des dessins. Non mais les gens, faut arrêter de croire que tout ce que font les artistes mérite d’être conservé.
Il arrive souvent qu’on fasse de la merde, pour des raisons diverses, qu’elles soient alimentaires, ou expérimentales, ou alors on était fatigué-saturé-ras le bol, ou on était en phase d’apprentissage sur un truc qu’on maîtrisait pas du tout… Bref.
D’autre part, on n’a pas tous le budget de Picasso qui achetait une nouvelle maison dès qu’il avait fini d’en remplir une.
Et puis dans l’absolu, j’adorerais pouvoir tout jeter, et partir légère comme une page blanche….
Mais ça voudrait dire bazarder aussi tout ce que j’ai fait de bien (il y a quand même 2 ou 3  trucs dont je suis fière), et aussi 38 cartons de bouquins (et encore, j’ai quand même réussi à en donner 7 à une asso), et puis 2 chats, et le fauteuil club en cuir que mon grand-père a acheté d’occase dans les années 20, et le service à thé choupinou de Miss Marple…
Soupir.
Bon allez, un dessin en papier, mais c’est bien parce que c’est vous.

Un oiseau

Ça fait 2 mois et demi que j’ai pas eu le temps de dessiner pour autre chose que le boulot. Ça commençait à me manquer. Même si je ne sais pas quoi faire de cet animal.

 

 

 

Au début, je voulais juste publier un petit dessin, et puis je me suis énervée.

Parfois, il y a des boulots qu’on fait vraiment pour le fric.
Pas forcément parce qu’on n’a pas envie de les faire, mais parce qu’on est fatigué, saturé, à plat, sans inspiration…
Mais on n’est pas encore assez lessivé pour refuser de gagner un peu de thune.
… Mais j’entends des hoquets de surprise, voire d’indignation, dans le public.
Mais OUI, mesdames et messieurs : l’artiste est âpre au gain.
Parce que, les gens, faut arrêter de vouloir croire que notre métier n’est qu’une interminable fête toute de magie et de youplala, et que nous aimons à le pratiquer gracieusement :

  • Parce qu’on a « tellement de la chance de vivre de notre passion » (putain de gros cliché)
    (NB : si on la pratique gratuitement, la passion, on n’en vit pas. Je dis ça je dis rien)
  • Parce que pour nous « c’est facile puisqu’on fait ça comme ça » (re-putain de gros cliché)
  • D’ailleurs « c’est pas un vrai métier » (re-re-putain de gros cliché)
  • « On travaille pas pour de vrai » (mais tu le veux dans ta gueule, ton paquet de gros clichés ?)
  • « Alors on peut bien travailler gratuitement » (quelqu’un me passe la tronçonneuse, s’il vous plaît ?) contrairement aux plombiers, boulangers, maçons, médecins, avocats, et les autres vrais gens de la vraie vie que tout le monde trouve logique de payer…
  • Et enfin le très fameux : « Ça vous fera de la pub » (parce que les plombiers, boulangers, maçons, médecins, avocats, et les autres vrais gens de la vraie vie, on les paye, mais on leur fait pas de pub) (oh les pauvres !) (Enfin non, pas « les pauvres ». Puisqu’ils sont payés, eux.)

Donc, je répète :  LES ARTISTES ONT BESOIN D’ARGENT COMME TOUT LE MONDE, ils ont des factures à payer comme tout le monde, des emprunts à rembourser comme tout le monde, des mômes à élever comme tout le monde, et des fins de mois souvent plus difficiles que tout le monde, à cause du nombre élevé de cons qui pensent que LEUR TRAVAIL, QUI EST UN METIER, ne mérite pas rétribution.
Ou alors du genre que dalle, une petit aumône, voire de l’argent de poche, et ça ira bien.

Bref.
Je reprends mon propos initial : des fois, les artistes épuisés/lessivés font des boulots sans enthousiasme, ni inspiration, POUR LA THUNE.
Mais ils le font correctement, parce qu’ils sont PROS (oui, oui, c’est un vrai métier !).
Et quelques mois après, quand ils sont moins fatigués, plus détendus, plus inspirés, et qu’ils retombent sur le boulot en question, ils se disent : « Ah, c’est dommage… J’aurais pu faire ça comme ci ou comme ça, c’aurait été tellement mieux… »

Sur ce boulot-là, il y a ça qui est un peu amusant.
Le reste me chagrine.

Un billet où je me suis énervée.Oui. Tout ça pour ça.

 

 

Con-cours graphique(s)

Et c’est pas comme si j’en avais pas déjà parlé.

Concours graphiques à la con

Je précise que j’ai acheté pas mal de bijoux à des créateurs sur A Little Market, et je ne le regrette pas.
La presse féminine, par contre… Je suis désolée, mesdames, mais lire des canards qui m’expliquent que j’ai pas le droit d’avoir plus de 30 ans, des rides ou des kilos en trop, et qui me montrent des fringues importables sur des gamines de 14 ans photoshoppées… Ça me tombe des mains.
Même s’il y a peut-être des articles de fond cachés entre 2 pages de pub et des photos de people.
Mais là où je vous en veux, c’est que j’adore dessiner des femmes jolies, coquettes, fringuées, stylisées
Sauf que si elles sont filiformes, je me dis que ça participe à entretenir ces stéréotypes matraqués dans toutes vos pages, qui rendent inacceptables nos imperfections physiques et notre humanité…
Et si je leur dessine des gros popotins (j’adore ça !), je me dis que c’est même pas la peine d’aller vous les montrer.

Evidemment, sur le même sujet, n’oubliez pas de lire l’excellent billet concocté par mes estimées collègues Laurel et Marie Meier.
Et l’inénarrable Mon Maçon était illustrateur...

Les si belles valeurs du journal l’Humanité

Il n’y a pas si longtemps, j’ai écrit, entre autres, un billet intitulé « l’Artiste, cette bonne poire… » qui a été lu plus de 3000 fois…
Vous croyez que ça change quelque chose ? Pensez-vous ! Toutes les semaines, voire tous les jours, ça recommence…

Cette fois-ci, ce sont nos amis de l’Humanité, qui ouvrent un concours pour qu’on leur crée le visuel de la Fête du même nom. La fête des gens qui luttent pour les droits des travailleurs… Mais pas ceux des affichistes, illustrateurs et autres graphistes.

Colère contre Le journal l'Humanité

Je ne suis pas sans ressentir un certain agacement.

Alors je leur ai écrit :

« C’est quand même formidable que l’Humanité, organe d’un parti qui se soucie des travailleurs, de protéger leurs droits et de revendiquer pour eux des rémunérations décentes, considère que les illustrateurs, concepteurs-graphistes, et autres artistes, peuvent travailler gratuitement.
Ou pour peut-être gagner 500 euros et 2 tickets d’entrée.
Peut-être.
Curieusement, si nous fabriquions des machines à laver, ça ne vous viendrait pas à l’esprit de nous demander ça.

C’est méprisable.

Et épargnez-moi le prétexte “cet appel à concours s’adresse à notre lectorat et à toute personne sensible aux valeurs portées par le journal”, parce que votre cahier des charges liste des exigences et des contraintes qui s’adressent à des pros.

La délocalisation de nos métiers sur des amateurs ? C’est vrai qu’ils habitent plus près que les chinois !

Soyez assurés de mon manque total de cordialité.

PrincessH Illustratrice »

Edit du 27 février : La page de…. appelons ça par son nom… l’appel d’offres de l’Huma est désormais inaccessible.
Se pourrait-il que je ne sois pas la seule à avoir râlé ? ;->>>

(Pour ceux qui se posent sérieusement la question : Non, je suis très loin d’être la seule.)