Liberté d’expression

Un jour, Okapi m’a demandé d’illustrer le courrier d’un lecteur, qui disait qu’il en avait assez qu’on l’oblige à aller à la messe le dimanche.

pas publiable

J’ai dessiné ça. Il était évident que ça ne serait pas publié, mais au premier degré, ça me faisait rire.
(Et au deuxième degré, je trouvais aussi que ça posait une vraie question. C’est l’image d’un homme supplicié, et j’ai toujours trouvé terrible qu’une religion ait ça pour symbole. Mais ma seule solution, c’est d’en rire plutôt que m’étouffer d’horreur… Parce que le blabla « il est mort pour nous sauver » ne m’a jamais consolée. Au contraire, je trouve ça pire. Mais bon, ce n’est pas mon sujet d’aujourd’hui…)
Ça les a fait marrer aussi, chez Okapi. Juste ils ont dit : « Tu sais qu’on peut pas, hein ? »
Je savais et ça ne me posait pas de problème, j’ai dessiné autre chose. C’est normal.
Okapi, c’est Bayard Presse. Et Bayard Presse est un groupe de presse catholique.
Bayard Presse et Okapi sont Charlie, mais ils ne sont pas Charlie Hebdo.

Alors je l’ai publié sur ce blog, et quelqu’un en a été offensé. On a discuté un moment, il n’a pas changé sa position, ni moi la mienne. Je pense qu’il a juste cessé de lire mon blog, et de s’intéresser à moi et mon travail, ce qui est son droit le plus absolu.

J’ai été ce gamin. Celui qu’on force à aller à la messe le dimanche. J’en ai déjà parlé plusieurs fois : de la maternelle à la 4eme, j’étais scolarisée au XIXeme siècle, chez Mère Marie de la Trinité et ses Sisters.
Il y a des gens très bien et très intéressants, chez les religieux. Mais, en ce qui concerne Mère Marie et son Orchestre, j’ai le souvenir d’une bande de vieilles moisies, qui naviguaient de la niaiserie à l’aigreur.
Catéchisme, prières avant les cours, confessions à la chapelle, leçons de morale condescendantes et culpabilisation systémique… Pas une étincelle en 10 ans, qui m’aurait fait entrevoir ce que c’est d’être dans cette « joie du Christ », dont elles nous rebattaient les oreilles.

Je n’étais pas là par hasard. Mes parents étaient cathos, croyants, pratiquants, membres actifs de l’équipe paroissiale, ils préparaient la messe avec le curé, ils lisaient les écritures pendant le service, mon père menait vaguement l’embryon de chorale, et gérait la maintenance des bâtiments… Et ma mère, une fois à la retraite, a débuté des étude de théologie et d’exégèse à la fac catho.
Donc, j’avais aussi messe le dimanche, progressivement à coup de pieds dans le Q, jusqu’à ce que l’adolescence me rende assez hargneuse pour qu’on me lâche enfin.

J’aime mes parents.
J’ai moins aimé Mère Marie et consorts.
Et les 2 conjugués, j’ai pas mal manqué d’oxygène en ce qui concerne la religion. On ne m’a pas invitée dans la spiritualité et la croyance, on m’a gavée comme une oie sans jamais respecter mon libre-arbitre.
Croire n’était pas une proposition, c’était une injonction.
Mais la Foi, ça ne se commande pas. Ça ne se fabrique pas, ça ne se force pas.
On l’a. Eventuellement on doute. Ou on ne l’a pas. On ne choisit pas. On peut essayer de se battre pour y arriver, mais il y a des gens pour qui ça ne marchera jamais.

Si on ne l’a pas, prétendre qu’on l’a est un mensonge.
Et le mensonge est un péché. C’est l’oeuvre de Satan, paraît-il.
Etre obligé de prétendre qu’on a la Foi, parce que dans certains pays, l’apostasie est un crime ou que ça fait de vous un citoyen de seconde zone, c’est un péché qu’on vous force à commettre.

Et qui sont ceux qui forcent ce péché à exister ? Qui sont-ils pour s’arroger le droit de décider, de juger et de punir ?
Pensent-ils que Dieu, ou Allah, le Tout Puissant, ne l’est pas suffisamment pour s’occuper lui-même de cette affaire ? Que sa Très Grande Miséricorde ne s’étend pas à ceux qui ne croient pas en Lui ? Voire même à ceux qui le moquent ?
Lui qui est au-delà de notre compréhension, Il serait mis en danger par des petits dessins et des moqueries ?

Et quel est le plus grand péché ? Se moquer ou tuer ?

Quel danger si terrible représente l’Incroyant, pour que le Croyant aille jusqu’au crime ?
L’Incroyance, c’est une question face à ce qui relève de l’évidence absolue pour le Croyant.
L’Incroyant ne croit pas. Voire même il s’en fout.
L’Incroyant, c’est le spectre de la Désacralisation. C’est aussi le risque du blasphème et de la caricature.
L’Incroyant, au fond, c’est le Doute jeté à la face du Croyant.

Est-ce donc cela qui est insupportable ?

Faites quelque chose pour protéger un autre être humain :
Signez les pétitions pour sauver Raif Badawi.

 

9 réflexions sur « Liberté d’expression »

  1. Hey copine d’education idiote! Mes parents ont cru bon de me mettre dans une école religieuse de filles. Elevée jusque là dans des écoles mixte ou avec 6 oncles , 4 cousins plus agés, et deux frères, pas une seule fille , à part quelques tantes féministes, et une grand mère qui elle meme avait été dans une école de garçons, tu imagines comme j’ai pas capté du tout l’intérêt de la chose. Contrairement à toi cependant, les bonnes soeurs et les profs laïques dans mon nouveau Lycée étaient souvent absolument géniaux, ca a beaucoup aidé à faire passer les élèves…Bon, je me suis fait virer de la chorale pour cause de fou rire, et des scouts parque j’étais pointilleuse sur les chants un peu trop à droite…Je n’ai toujours pas digéré le coté high drama de l’école de fille, je pense qu’elles ont toute finit actrices, c’est pas possible autrement. Bref. J’en reviens aux prêtres de mon quartier, et il y en a un dont je retiens une discussion sur la foi … »Il n’y a pas de foi sans le doute ». Le doute nourrit la foi , pas de vraie croyance sans cette bataille, sans cet effort permanent. Si on est capable de se battre avec son propre doute, de l’accepter, on doit être aussi capable de le supporter chez les autres. De supporter leurs erreurs . De les apprécier même, quand ils questionnent ou remettent en cause. J’ai pris beaucoup de distance avec l’église ( j’ai du mal avec le dogme, et puis cette histoire de croix et de sang du christ, ça a un coté anthropophage pas terrible dans le genre sacrifice, j’ai du mal aussi) , mais je respecte toujours cette idée : pas de foi sans le doute. La liberté de douter, c’est très important. Je me méfie terriblement de ceux qui ne doutent pas… je pense meme que si tu regardes de près dans les livres sacrés de toutes les religions, il y a un moment de doute, c’est super important. Vouloir imposer violemment ses idées , pour moi, c’est une preuve flagrante de lâcheté, de négation de son propre doute, et terroriser les autres, quelque part, c’est avouer sa peur d’avoir tort…Je trouve ca très faible en fait.

  2. Je suis d’accord avec toi. Ne pas douter, ça mène à la dictature et l’extrémisme. Ça mène à l’Inquisition, à la Saint-Bathélémy, et aux Guerres de Religions. Ça jette des gens aux lions, ça en mène d’autres au bûcher, à la torture, au fouet…  Ça mène au viol, au génocide et à la vente d’esclaves… Ça mène à la destruction de la pensée.
    Où est « l’amour de Dieu » dans cette monstruosité ?

    • Nulle part…Je pense qu’on tue par peur du doute aussi…plus que par manque de tolerance. J’ai peur d’avoir tort, je deviens violent pour prouver que j’ai raison.alors que ca ne prouve rien, ca impose, c’est tout.
      C’est terrible chez l’humain cette nécessité d’avoir toujours raison, alors qu’on ne sait pas grand chose et qu’on se trompe tout le temps.

  3. Je partage entièrement ce point de vue, on m’a scolarisée dans deux écoles cathos et je frémis d’horreur en me souvenant que l’on a voulu me faire apprendre par cœur le nom des différentes phases de la messe lorsque j’avais à peu près 13 ans dans les années 1973-74 ! Mais qu’est-ce que j’en avais à faire à cet âge et aujourd’hui encore !!! Avec le recul je vois ça comme un viol de ma conscience et de celle de mes petits camarades.
    Les grenouilles de bénitier qui ne supportent pas que l’on critique leur marigot m’horripilent, ça ne m’amuse même plus de discuter avec elles.
    Ceci posé, j’avais deux grands tantes religieuses que j’aimais beaucoup et qui du haut de leur coin de Paradis doivent sûrement veiller sur l’âme de l’athée que je suis. J’ai toujours beaucoup aimé visiter les édifices religieux, ma dernière découverte c’est l’église des Jacobins à Toulouse, je me gave toute seule de mon plein gré de musique sacrée (le Stabat Mater de Pergolesi avec Sara Mingardo, quel bonheur…).
    Bref, il y a quand même beaucoup de choses à garder, il suffit de les débarrasser de leurs parasites…

    • Oui, il faut se débarrasser des parasites et du folklore… Epurer les Ecritures de tout ce qui cautionne la violence, la domination, l’esclavage, l’homophobie, etc… ; ranger tout ça à la rubrique « Histoire des Ecritures Saintes », et ne garder que les principes qui sont censés aider à vivre ensemble.
      Grosso modo « Aimez-vous les uns les autres » et « Aime ton prochain comme toi-même. » (en précisant que « prochain » ne veut pas dire « semblable », sinon c’est trop facile.)
      Je vois pas ce qu’il nous faut d’autre. A moins qu’il y ait des pages qui donnent un mode d’emploi contre la connerie. Mais je crois pas. Ça manque, je trouve.

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