Mon traumatisme à moi que j’ai.

Mère Marie de la Trinité

Alors voilà, justement, j’avais prévu d’en parler, et puis Jojo a de lui-même abordé le sujet.

« c’est bien de penser aux vieux qui ont vécu l’arrivée du Stypen, après avoir appris à écrire avec le porte-plume, la plume sergent major (dans le meilleur des cas) et les encriers que le maître remplissait avec une grosse bouteille secrète. »

Or donc, comme mon estimée collègue Queenofclay ne manque jamais de le souligner, je fais partie de ces vieux.
De ceux qui ont connu l’encrier qui se renverse sur les fringues quand on se cogne au pupître, malgré la blouse, obligatoire certes, mais pas étanche.
Et la plume plus ou moins sergent-major, dont je me demande encore comment on pouvait filer un engin pareil à des mômes sortant de maternelle, pour leur apprendre à écrire.

En plus, au XIX° siècle, chez Mozer Marie et ses Sisters, ça rigolait pas, fallait que t’y arrives tout de suite et que ça soit nickel.
Tant pis si question développement psycho-moteur, t’étais pas vraiment au point. Ni très fortiche en coordination musculaire. Donc pas balaize non plus en motricité fine.
Genre moi.
Oui, telle que je la connais, Queenofclay s’occupera bientôt de faire savoir à toute la blogoboule que je suis pas née en janvier.

PrincessH petite

Je me retrouvais donc en Cours Préparatoire, à affronter ce trio infernal qui a empoisonné mes premières années d’apprentissage : le porte-plume, la plume et l’encrier.

L’encrier, j’en ai déjà parlé. C’est le machin qui se jetait sur vous en crachant, au moindre faux mouvement. Et quand on est un peu empotée du psycho-moteur, on en fait des faux mouvements.
De plus, cette saloperie était en porcelaine, donc c’était une attaque suicide. Tout de suite après, il se crashait à vos pieds, vous noyant dans l’angoisse et la culpabilité devant toute la classe.
Oui, ça c’était juste avant la Société de Consommation. Les objets étaient précieux, ils n’étaient pas jetables et remplaçables. Sinon, il aurait été en plastoc cet infâme salopard et j’aurais eu un problème de moins.

Le porte-plume, ça n’a l’air de rien comme ça. Mais encore aujourd’hui quand je m’en sers (par obligation), je ne sais par quel phénomène étrange l’encre semble remonter le long du manche, et j’en ai plein les mains. J’ai beau faire attention, tremper la plume délicatement et pas jusqu’à la garde, y’a rien à faire, je m’en fous partout.
Le seul truc que j’arrive à contrôler aujourd’hui, et encore pas toujours, c’est de ne pas saloper totalement ce que je suis en train de faire, avec mes pattes d’imprimeur.
Je vous laisse imaginer l’état de mes cahiers quand j’avais 5 ans.

Surtout que la plume, même quand on est normal, c’est pas vraiment un outil qui se contrôle fastoche. Ça gratte, ça accroche, ça rippe, ça bave, ça goutte, ça crache, ça fait des trous dans les feuilles.
Gueule des cahiers.
Qui se doivent d’être impeccablement tenus.
Mozer Marie et ses Sisters ont toujours insisté sur ce point : une jeune fille se doit d’être soignée.

apprentissage

Mais bon, un jour, de guerre lasse ou par compassion, la maîtresse m’a quand même exemptée de porte-plume. Moi et Brigitte Beausoleil. Oui, elle non plus, elle y arrivait pas. Mais je sais pas pourquoi, ça me consolait pas vraiment de pas être la seule.
La maîtresse nous a acheté des stylos Bic bleus, un chacune, qu’on devait aller chercher chaque matin sur son bureau. Ils existent encore, ces Bics, y’en a même un qui traîne chez moi. Je sais pas comment il a réussi à entrer.

bic

Seulement voilà. Bien que le Bic soit nettement plus âgé que moi (oui, quand même !), son développement psycho-moteur ne devait pas être au point non plus. Parce qu’il bavait. Pas seulement le mien, celui de Brigitte Beausoleil aussi.
En Cours Préparatoire, j’ai touché le désespoir du doigt.
Bon, je le touchais régulièrement à la maison où on rigolait déjà pas des masses, alors justement à l’école, je m’en serais bien passée.

Après, jusqu’en CM2, j’ai été incapable de tenir un cahier proprement. J’y arrivais pas. Même si la société de consommation avait débarqué dès le Cours Elémentaire, avec des tas de stylos différents. Pour moi, c’était trop tard, j’étais traumatisée nerveusement.
J’en ai même été malade une fois. J’avais rendu un cahier dégoûtant, et j’angoissais comme une folle en attendant le lundi où on devait nous les rendre.
Le dimanche, on est allés chez mes grand’parents. En rentrant, dans la voiture, j’ai dit à ma mère que j’étais malade. C’était pas vrai, mais quand elle a pris ma température à la maison, j’avais 39°.
Le lendemain, j’étais malade comme un chien, et ça a duré 15 jours, pour mettre un maximum de distance entre moi et ce foutu lundi.

En CM2, on m’a fait faire de la rééducation spatio-temporelle. Me demandez pas ce que c’est, je sais pas vraiment. On me faisait faire de la gym et des exercices bizarres chez un kiné. Par exemple : marcher sur des ronds rouges, des triangles jaunes, des carrés bleus, et d’autres trucs dont je me souviens pas.
Après, j’ai eu moins d’emmerdes avec mes cahiers.

Heureusement que le Stypen m’a pas fait chier comme ça.